L’éducation ne doit pas dépendre de groupes privés qui contrôlent la production des manuels scolaires. Pour garantir l’égalité d’accès au savoir, il est nécessaire de mettre en ligne gratuitement l’ensemble du programme scolaire français, de la maternelle à l’enseignement supérieur.
L’accès au savoir est un pilier fondamental de la République. Pourtant, une grande partie de la transmission scolaire en France dépend aujourd’hui d’éditeurs privés, dont certains sont désormais contrôlés par de grands groupes industriels ou des milliardaires. Cette situation soulève un enjeu démocratique majeur : lorsqu’un acteur économique détient une part significative du marché des manuels scolaires, il influence indirectement la manière dont les connaissances, l’histoire ou les sciences sont mises en récit. Le cas des acquisitions de maisons d’édition scolaires par Vincent Bolloré illustre ce risque, puisque des acteurs privés se retrouvent désormais en position d’orienter l’édition de manuels utilisés dans nos écoles.
Pour garantir une éducation véritablement indépendante, il est indispensable que la base même de la transmission — les contenus pédagogiques — redevienne un patrimoine public. Je propose ainsi de mettre intégralement en ligne, gratuitement, l’ensemble du programme scolaire français, de la maternelle jusqu’aux études supérieures. Il ne s’agit pas seulement de publier des programmes théoriques, mais de rendre disponibles les contenus pédagogiques eux-mêmes : cours rédigés, synthèses, exercices, corrigés, fiches de méthode, ressources multimédias, références et bibliographies. Une telle bibliothèque aurait vocation à être régulièrement mise à jour, relue et validée par des équipes d’enseignants et par la communauté universitaire.
Les bénéfices seraient multiples. D’abord, cette plateforme réaffirmerait l’universalité de l’école publique : chacun pourrait apprendre, reprendre ses études ou surmonter un décrochage scolaire sans avoir à acheter le moindre manuel. Les familles les plus modestes économiseraient des centaines d’euros, tandis que les adultes en reconversion ou les personnes éloignées de l’emploi disposeraient d’un accès direct et complet aux connaissances. Le numérique permettrait également de toucher les zones rurales, les territoires ultramarins et les régions peu dotées en ressources pédagogiques. La France montrerait ainsi qu’elle croit en la puissance émancipatrice du savoir partagé.
Ensuite, cette politique renforcerait la confiance dans l’institution scolaire. Les contenus seraient transparents, vérifiables, accessibles à tous, sans risque d’influence commerciale ou idéologique. Les enseignants pourraient s’appuyer sur ces ressources communes pour préparer leurs cours, et les élèves bénéficieraient d’un corpus cohérent et stable. En mettant en avant les travaux de nos universitaires, de nos chercheurs et de nos écoles, cette bibliothèque servirait aussi à valoriser notre patrimoine scientifique, culturel et intellectuel.
Enfin, un tel projet contribuerait au rayonnement international de la France. Beaucoup de pays regardent déjà nos programmes, nos méthodes pédagogiques, nos écoles d’ingénieurs et nos universités. Rendre ces contenus libres d’accès ferait de la France un pays pionnier du partage éducatif, dans l’esprit de l’UNESCO et du service public. Ce serait une contribution majeure à la diffusion mondiale du savoir, de la culture et des valeurs humanistes.
Rendre l’intégralité du programme scolaire accessible gratuitement en ligne, ce n’est pas concurrencer les éditeurs privés ni appauvrir la diversité culturelle. C’est garantir qu’aucun citoyen ne soit empêché d’apprendre pour des raisons économiques. C’est réaffirmer que le savoir appartient à tous. Et c’est donner à la France une occasion historique de montrer que l’éducation peut être un véritable bien commun mondial.