Pour une politique nationale de santé mentale ambitieuse, cohérente et réellement accessible

Psychologue en institution et en libéral, je vois chaque jour les effets dramatiques du manque de moyens en santé mentale : adolescents en souffrance laissés en attente, patients psychiatriques sans suivi, équipes publiques à bout. Il est urgent de réinvestir massivement dans le soin psychique, de renforcer la pluridisciplinarité et de garantir un accès rapide à tous, plutôt que de multiplier des dispositifs ponctuels et inadaptés. La santé mentale doit devenir une priorité réelle.

Je suis psychologue clinicienne, engagée au quotidien auprès d’enfants, d’adolescents, d’adultes et de personnes âgées, à la fois en institution (IME, services médico-sociaux) et en libéral, notamment en EHPAD. Depuis ces différents terrains, je fais le même constat : notre système de santé mentale est à un point de rupture.

La situation actuelle n’est plus tenable. Des adolescents en souffrance se voient proposer une inscription sur liste d’attente de un à deux ans pour un simple premier rendez-vous en service public. Des patients présentant des troubles psychiatriques importants ne bénéficient plus d’un suivi ambulatoire minimal, ce qui favorise les décompensations, l’exclusion, une perte d’autonomie et, dans certains cas, des risques majeurs pour eux-mêmes et pour la société. Dans un pays qui affirme vouloir faire de la santé mentale une “grande cause nationale”, le paradoxe est devenu violent : fermetures de lits, diminution des moyens, équipes épuisées, désertification des CMP et CMPP, effritement du médico-social.

Le dispositif MonPsy, tel qu’il existe aujourd’hui, ne répond pas à ces enjeux. Conçu pour les « troubles modérés », il entretient une illusion de solution et détourne l’attention du renforcement urgent du secteur public. Il ne remplace ni la prise en charge pluridisciplinaire, indispensable à nombre de situations complexes, ni la nécessité de soins coordonnés avec psychiatres, équipes infirmières, orthophonistes, éducateurs spécialisés, assistants sociaux, etc. On ne soigne pas une psychose, un trouble sévère de l’adolescent, une conduite suicidaire ou un effondrement dépressif dans un dispositif pensé pour l’allégement coûte-efficace.

La santé mentale ne peut plus être pensée comme un luxe individuel mais comme un pilier de cohésion sociale. La prévention du décrochage scolaire, de la radicalisation, de la violence intrafamiliale, de la précarisation psychique des personnes âgées, commence par un accès réel à des soins psychiques de qualité, pour tous, quel que soit leur milieu, leur âge ou leurs ressources.

Je souhaite que le Parti socialiste porte fortement les orientations suivantes :

1. Réinvestir massivement dans le service public de psychiatrie et de psychologie : rouvre des lits, recrée des CMP et renforce les équipes pluridisciplinaires.

2. Garantir un accès rapide aux soins psychiques pour les jeunes : un adolescent en souffrance doit être considéré comme une urgence, pas comme une file d’attente.

3. Revaloriser et stabiliser les métiers du soin psychique, notamment psychologues et infirmiers spécialisés, afin de lutter contre la fuite vers le privé par nécessité économique.

4. Sortir d’une vision oppositive des approches thérapeutiques : la clinique exige de la nuance. On peut travailler en TCC avec une lecture psychodynamique, articuler neurosciences et clinique, mobiliser des approches intégratives quand la situation l’impose. La pluralité n’est pas un problème : c’est une richesse.

5. Développer des dispositifs réellement adaptés aux troubles sévères, qui ne peuvent être suivis exclusivement en libéral : la pluridisciplinarité doit redevenir la norme pour les situations complexes.

6. Reconnaître la santé mentale comme un investissement sociétal, pas comme un coût : investir maintenant permet d’éviter des ruptures scolaires, des hospitalisations coûteuses, des situations de crise, des pertes massives d’autonomie.

La santé mentale n’est pas un domaine secondaire : elle conditionne la possibilité même d’habiter le monde, de travailler, d’apprendre, de aimer et de vivre dignement.

Nous avons aujourd’hui l’opportunité politique de refonder un système de soin psychique qui protège réellement, qui prévient, qui accompagne et qui répare.

Je souhaite que le Parti socialiste s’en saisisse avec courage.

Sophie Dumain