Consommation Populaire et Souveraineté Alimentaire : L’Enjeu Social d’une Alimentation Saine

Consommation Populaire et Souveraineté Alimentaire : L’Enjeu Social d’une Alimentation Saine

Le Constat : La Perte du Pouvoir de Choisir

La consommation populaire, d’un mythe à une réalité alarmante, touche un nombre croissant de citoyens qui se retrouvent privés de leur pouvoir de choisir leur alimentation en raison de la pression des prix et de l’opacité de la provenance des denrées. Les études menées en France, notamment INCA3, confirment que les ménages aux revenus et/ou niveaux d’éducation les plus modestes ont, en moyenne, une qualité nutritionnelle moindre. Ils privilégient les aliments transformés ou la restauration rapide au détriment des produits frais, par rapport aux catégories favorisées. Par ailleurs, cette tendance s’observe non seulement dans les zones urbaines, mais également dans les espaces périurbains et ruraux. Un exemple probant en est l’expansion des chaînes de fast-food dans ces zones. Leur stratégie d’ouverture massive, malgré un potentiel local plus faible qu’en milieu urbain, permet collectivement au secteur d’augmenter son chiffre d’affaires de plus de 30 %.

L’Exigence d’une Solution Collective

Ce phénomène, par sa nature commune et sa large diffusion géographique, exige une solution collective et souligne le potentiel d’action de la consommation populaire. Cependant, peindre un tableau entièrement négatif serait erroné. On observe, par exemple, le développement de grandes surfaces de vente de fruits et légumes (type « primeurs marché XXL ») dans les zones périurbaines, qui ont pour effet paradoxal de délaisser les zones urbaines et rurales en affaiblissant le maillage de primeurs et maraîchers de proximité. Ces deux dynamiques, apparemment dissociées, sont en réalité la source potentielle de notre solution.

Les Contrats Locaux Alimentaires (CLA)

La solution réside dans la mobilisation de la puissance publique pour se saisir de ces enjeux en favorisant et en créant du lien entre les consommateurs et les acteurs français de l’alimentation saine. Il s’agirait, par exemple, de mettre en place des Contrats Locaux Alimentaires (CLA) garantissant un circuit de vente direct entre les agriculteurs et les consommateurs, en accord avec les acteurs des territoires. Des initiatives privées, telles que « Act for Food » de Carrefour, montrent la voie. L’inspiration de ces initiatives est essentielle pour accélérer et démocratiser une action publique qui serait à la fois une mesure de santé publique et un soutien fondamental à notre souveraineté alimentaire.

Le Temps, la Cuisine, et le Vivre-Ensemble

Ces mesures doivent être complétées par une réflexion approfondie sur le temps de travail et le temps accordé à la cuisine, car la contrainte temporelle est un facteur majeur du recours à l’alimentation transformée. De plus, nous devons désamorcer le combat idéologique qui oppose parfois la cuisine traditionnelle des campagnes à la cuisine du monde des villes. Or, l’un n’exclut pas l’autre. La cuisine peut justement servir de passerelle, de mode de partage culturel qui crée du lien, s’inscrivant dans le cadre d’un véritable « vivre-ensemble » et non d’un exotisme sélectif. Cette approche doit valoriser le « bon sens », qu’il s’agisse du bon sens paysan ou de la bonne cuisine familiale. Des réflexions ont déjà été initiées (comme les fiches recettes du ministère de la Santé sur le site Manger Bouger), mais elles devraient être modernisées et amplifiées par des outils numériques portés par la puissance publique. Le consommateur populaire, en étant remis au centre de l’équation alimentaire, devient l’acteur clé de la santé publique et de la résilience de notre souveraineté alimentaire.