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Pour la création d’un régime spécifique de sécurité économique pour les créateurs de contenu

Le travail des créatrices et créateurs de contenu constitue aujourd’hui une activité économique majeure. Cet ensemble représente plus de 100 milliards de dollars au niveau mondial et progresse chaque année à un rythme estimé entre 10 et 20 %. En France, on estime que plus de 150 000 personnes produisent des contenus en ligne de manière régulière, et qu’environ 30 000 en tirent un revenu significatif. Pourtant, ces travailleurs n’ont aucune protection professionnelle réellement adaptée.

La majorité exerce sous le statut d’entreprise individuelle, ce qui signifie :

• Pas de droit au chômage

• Aucune mutualisation des risques

• Des revenus imprévisibles, souvent dépendants d’algorithmes opaques décidés par quelques grandes plateformes privées,

• Une grande partie d’entre eux vivant sous le SMIC malgré une production continue, parfois largement au-delà des 35h par semaine.

Alors que certains créateurs gagnent très bien leur vie (quelques centaines de personnes dépassent les 100 000€ annuels) la grande majorité ne parvient pas à atteindre un revenu décent. Cette polarisation extrême est structurelle : elle est produite par les plateformes, qui captent une part massive de la valeur et distribuent les audiences de façon inégalitaire.

Proposition : créer un régime spécifique, inspiré de celui des intermittents du spectacle

Un secteur avec autant de volatilité, avec une importance économique forte ne pas resté sans justice sociale et sans protection pour ceux qui le font vivre. Je propose la création d’un régime professionnel dédié, reposant sur une caisse autonome, mutualisée et financée par les créateurs eux-mêmes.

Un financement par cotisations proportionnelles aux revenus déclarés

Aujourd’hui, les revenus sont déjà déclarés automatiquement par les plateformes à l’administration fiscale. Cela garantit :

• Une base fiscale claire

• Aucune possibilité d’échapper à la contribution

• Un financement progressif où ceux qui gagnent beaucoup cotisent beaucoup, comme dans tout système solidaire

Avec un taux de cotisation modéré (par exemple 3 à 5 % des revenus bruts), une caisse réunissant quelques dizaines de milliers de créateurs pourrait dégager plusieurs dizaines de millions d’euros par an, permettant d’indemniser ceux qui subissent des chutes brutales d’audience, de garantir un revenu plancher pour ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté et de sécuriser l’activité lors des périodes creuses (démonétisation, problèmes techniques, sanctions algorithmiques).

L’ouverture des droits conditionnée à un volume minimal de cotisations

Comme pour les intermittents, ce régime n’ouvrerait des droits à la condition d’une durée minimale d’affiliation, un montant annuel de cotisations et une activité à temps plein démontrée via les revenus déclarés et en l’absence de travail salarié.

Ce mécanisme empêche les abus et concentre la protection sur ceux pour qui la création de contenu est un véritable métier.

Stabiliser un secteur devenu essentiel à la culture et à l’économie

Plusieurs chiffres renforcent l’urgence d’un cadre protecteur :

• 40 % des Français regardent du contenu en ligne quotidiennement

• Les créateurs jouent un rôle croissant dans l’information, l’éducation, la culture et même l’engagement citoyen

• La dépendance aux algorithmes peut faire perdre jusqu’à 80 % des revenus d’une chaîne du jour au lendemain.

Aucune profession culturelle ou médiatique n’est soumise à un tel niveau de volatilité sans amortisseur social.

Réduire la dépendance économique vis-à-vis des plateformes

Aujourd’hui, les créateurs n’ont aucun pouvoir de négociation. Les plateformes décident seules. Ils n’ont pas de visibilité sur les futures règles, subissent des démonétisations soudaines, parfois sans explication, et sont susceptible de perdre leurs revenus si une plateforme modifie ses critères d’audience.

Un régime spécifique ne règle pas tout, mais il crée une capacité d’autonomie économique qui permet de ne plus surproduire par peur de perdre l’algorithme et de développer une activité créative plus stable, plus innovante et plus durable. Les créateurs. C’est une mesure qui permettra a terme aux créateurs de produire un contenu de qualité à vocation véritablement divertissante et pédagogique plutôt que d’être enfermé dans « ce qui marche sur la plateforme ».

Un cadre social moderne pour un métier moderne

La France a su créer le statut des intermittents pour protéger une économie culturelle instable mais essentielle.

Elle doit aujourd’hui reconnaître et protéger les créateurs de contenu, qui sont devenus un maillon central du paysage culturel et numérique.

Un régime spécifique, financé par une cotisation progressive, encadré par des conditions strictes et adossé à une caisse dédiée, permettrait :

• De lutter contre la précarité

• De réduire les inégalités internes

• De sécuriser un secteur stratégique en pleine expansion

• De donner un véritable pouvoir d’action à ceux qui vivent de leur création

C’est une mesure de justice sociale, de modernisation et de cohérence économique.

Jordan Lefébure