Pour un “Grand programme national de refondation urbaine”
1. Constat: une politique de la ville sous-dimensionnée face à l’ampleur des fractures urbaines
La France a engagé depuis 2003 plusieurs phases de rénovation urbaine (PNRU puis NPNRU), représentant plus de 48 milliards d’euros cumulés. Si ces programmes ont transformé des quartiers entiers, ils restent insuffisants au regard de l’ampleur des besoins: plus, de 5,4 millions d’habitants vivent aujourd’hui dans un quartier politique de la ville (QPV), dont 42 % ont moins de 25 ans.
Les inégalités restent massives : un taux de chômage de 20 % dans les QPV (contre 7 % hors QPV), une vacance commerciale deux fois plus élevée, des écoles saturées, un parc de logements sociaux vieillissant (60 % des immeubles construits avant 1980), et une dégradation des espaces publics qui accentue le sentiment de relégation.
À Marseille, La Paillade à Montpellier, Les Sablons au Mans, La Reynerie à Toulouse ou Les 4000 à La Courneuve, les diagnostics convergent: la rénovation urbaine a souvent été pensée comme un programme d’infrastructures, pas comme un projet urbain global capable de transformer durablement les conditions de vie.
2. Explication: pourquoi la rénovation actuelle ne suffit plus
La rénovation urbaine française reste trop souvent concentrée sur la démolition-reconstruction, la réhabilitation énergétique et la requalification des espaces publics. Or, ces interventions, nécessaires, ne suffisent pas à enrayer la spirale d’inégalités cumulatives. Elles se heurtent à trois limites structurelles.
Première limite: une approche trop immobilière et trop peu sociale. Les investissements dans la pierre ne se traduisent pas automatiquement par une amélioration des trajectoires individuelles. Par exemple, dans certains quartiers rénovés de Seine-Saint-Denis, les taux de décrochage scolaire restent supérieurs à 25 %.
Deuxième limite: l’absence de stratégie économique territorialisée. Moins de 15 % des programmes ANRU intègrent aujourd’hui des projets économiques structurants (fablabs, incubateurs, zones d’activités intégrées). Les QPV restent dépendants de l’extérieur.
Troisième limite: un pilotage institutionnel trop fragmenté. Entre communes, métropoles, bailleurs et État, la gouvernance est souvent lente, conflictuelle et peu lisible. Les délais moyens de réalisation d’un projet ANRU dépassent 8 ans.
3. Propositions: lancer un Grand Programme National de Refondation Urbaine (GPRU)
Nous proposons de lancer un GPRU, nouvelle génération, doté de missions plus larges, financé dans la durée et articulé autour de quatre axes précis.
Axe 1 – Relancer massivement la réhabilitation écologique et sociale du bâti: Investissement national ciblé de 30 milliards d’euros sur 10 ans pour réhabiliter 300 000 logements dans les QPV (isolation, décarbonation, sécurité, accessibilité). Mise en place d’un standard national “logement QPV rénové”. Exemple: Vaulx-en-Velin, 5 000 logements réhabilités, baisse de 40 % des charges énergétiques pour 6 000 habitants.
Axe 2 – Construire des centralités économiques locales: Création de 100 hubs de production locale (ateliers, circuits courts, coworking, tiers-lieux), réserver 30 % des marchés publics ANRU aux entreprises locales ou à l’économie sociale et solidaire. Exemple: Pôle Territorial de Coopération Économique de l’Île-Saint-Denis, 200 emplois locaux directs.
Axe 3– Faire de chaque quartier rénové un quartier éducatif renforcé: chaque euro investi dans le bâti doit être complété par 50 centimes en services éducatifs. Création de 50 écoles de la transition numérique et écologique pour former 30 000 jeunes. Exemple: campus “La Station” à Toulon, doublement du taux d’insertion des jeunes.
Axe 4 – Refonte de la gouvernance: Contrats de Refondation Urbaine de 10 ans avec État, métropole et habitants, pilotage unique et calendrier contraint. Budgets participatifs de quartier avec 5 % du budget local pour décision des habitants. Réduction des délais ANRU à 5 ans maximum.
Arthur ( au nom des JS d’Indre-et-Loire) Job Dorion