I. Déconstruction du Capitalisme Rentier et de la Domination Financière
1. L’ère de l’hyper-financiarisation
Le système économique actuel est marqué par une financiarisation excessive et une logique de rentabilité à court terme. Cette orientation se fait au détriment de l’investissement productif, de l’innovation et de la dignité des travailleurs. Elle conduit à la prolifération des licenciements boursiers, comme dans les cas CCF/MMB et Casino, où des entreprises pourtant rentables suppriment des emplois pour satisfaire la pression des marchés financiers et des actionnaires, souvent malgré des aides publiques.
2. L’insuffisance du cadre légal face à la mobilité du capital
Les dispositifs actuels (PSE, CSE) apparaissent largement impuissants, leur rôle se limitant souvent à la gestion a posteriori de décisions déjà prises. La souveraineté du politique sur l’économique ne peut être restaurée sans un contrôle démocratique des mouvements de capitaux et une fiscalité dissuasive sur les dividendes et les rachats d’actions, en particulier lorsque ceux-ci accompagnent des suppressions d’emplois.
II. L’Impératif Politique du XXIᵉ Siècle : Plein Emploi et Planification Écologique
Le socialisme du XXIe siècle doit internaliser la critique de la croissance illimitée (post-croissance) et le principe de sobriété, en substituant le « fétichisme du PIB » par des indicateurs d’utilité sociale
A. La Socialisation du Capital et la Réorientation des Flux Financiers
1. Taxation du Capital Stérile
Mettre fin à la logique court-termiste en taxant lourdement les rachats d’actions (buybacks) et les distributions de dividendes lorsque l’entreprise n’investit pas dans la production, la transition écologique ou la formation.
2. Le Fardeau de la Preuve Inversé
Rééquilibrer le rapport entre l’État et les grandes entreprises : celles qui licencient ou réclament des aides publiques doivent apporter la preuve de l’absence de motif économique réel. Les aides (subventions, exonérations fiscales ou sociales) doivent être conditionnées au maintien de l’emploi, à l’investissement vert et à la non-délocalisation, avec remboursement automatique en cas de manquement.
3. Financement des Actifs Stratégiques
Créer un Pôle Financier Public (PFP) fort, réunissant l’APE, Bpifrance et la Caisse des Dépôts. Ce pôle investirait dans le capital-retournement et la prise de participation temporaire dans les filières stratégiques, tout en orientant l’épargne nationale vers l’industrie souveraine et les filières écologiques. Il serait soutenu par un Actif Souverain Européen (Eurobond) dédié à la transition écologique.
4. Le Plein Emploi Écologique
Instaurer un État employeur en dernier ressort garantissant un emploi à toute personne apte à travailler, notamment dans les secteurs de la rénovation thermique, des infrastructures vertes et de la recherche. Ce modèle repose sur l’idée que la contrainte publique doit être écologique et sociale, pas budgétaire.
B. La Planification Écologique Impérative
1. Le Plan National Décarboné (PND)
Mettre en œuvre un plan décennal coordonné avec l’Union européenne, fixant des objectifs sectoriels de production, d’empreinte carbone et de santé sociale. Ces indicateurs deviendront la base d’une évaluation réaliste du bien-être collectif.
2. La Commande Publique Souveraine
Élaborer un Buy European Act (BEA) ambitieux, conditionnant l’accès aux marchés publics européens au respect d’un seuil de contenu local et de critères écologiques exigeants. Ce levier fera de la commande publique un outil de réindustrialisation verte et de souveraineté économique.
C. Le Réencastrement de l’Économie par le Droit et la Démocratie
1. Dépassement du Droit de la Concurrence Ordo-Libéral
Réviser le droit européen afin d’intégrer la souveraineté industrielle comme critère fondamental. Cela permettrait la création de champions européens (pôle de production de semi-conducteurs autour d’ASML) et la nationalisation temporaire de sites stratégiques en cas de défaillance de marché, préservant les savoir-faire et l’emploi.
2. Lutte contre le Dumping Social et Fiscal
Harmoniser la fiscalité des entreprises à l’échelle européenne, en imposant un taux d’imposition minimal effectif, pour mettre fin à la concurrence fiscale déloyale et à la “course vers le bas” entre États membres.
3. Renforcement de la Démocratie d’Entreprise
Faire de l’entreprise un lieu de souveraineté partagée :
– Parité des salariés (50%) dans les conseils d’administration.
– Droit de veto suspensif des représentants des salariés sur les restructurations majeures.
– Accès complet à l’information économique pour garantir la co-décision.
Yacine Feradj