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Reconquérir notre souveraineté alimentaire grâce à des semences publiques, reproductibles et innovantes

La dépendance croissante des agriculteurs envers des semences privées non-reproductibles menace notre souveraineté alimentaire. Pour un avenir durable, résilient et indépendant, l’État doit redevenir un acteur central dans la sélection, la production et la distribution de semences reproductibles, libres d’usage et adaptées aux besoins du pays. Cette stratégie protégera les agriculteurs, renforcera la sécurité alimentaire et garantira à tous des aliments de qualité.

La question des semences est devenue un enjeu stratégique majeur pour l’avenir de notre agriculture. Depuis plusieurs décennies, une grande partie de la filière semencière est dominée par des multinationales qui ont intérêt à vendre des graines non-reproductibles ou protégées par des droits de propriété intellectuelle très stricts. Les agriculteurs se retrouvent dépendants d’un achat annuel, et les États deviennent vulnérables à des ruptures d’approvisionnement, à des fluctuations de marchés ou à des décisions prises hors de tout contrôle démocratique. Cette situation fragilise notre souveraineté alimentaire et expose la France à un risque réel en cas de disruption majeure du commerce international.

Un État stratège doit garantir que les agriculteurs disposent de semences durables, reproductibles et adaptées aux conditions locales. Cela suppose de développer un grand programme national de recherche, de sélection et de diffusion de semences publiques. Ces semences doivent être pensées comme un bien commun, transmissible de saison en saison, cultivable sur le long terme, et capable de constituer une base agricole stable même en cas de crise globale. Elles doivent aussi être diversifiées pour offrir une véritable résilience face aux maladies, aux aléas climatiques et aux évolutions des sols.

Le génie génétique et les sciences du végétal offrent aujourd’hui des possibilités extraordinaires pour améliorer la qualité des plantes sans tomber dans la logique du profit à court terme. Il est possible de travailler sur la résistance naturelle aux maladies, sur l’adaptation aux sécheresses, sur la réduction de l’usage d’intrants chimiques et, surtout, sur la qualité intrinsèque des produits : leur goût, leur texture, leurs qualités nutritionnelles. Une politique publique ambitieuse doit permettre de rompre avec la standardisation imposée par la grande distribution, qui privilégie souvent la conservation ou l’esthétique au détriment de la saveur. Les consommateurs sont lassés des tomates fades, des fraises sans parfum ou des fruits gorgés d’eau mais pauvres en nutriments. Nous avons la capacité scientifique, grâce à nos instituts et laboratoires, de proposer des variétés à la fois savoureuses, saines et adaptées à une agriculture durable.

Cette stratégie doit également s’inscrire dans le temps long. Pour réduire notre dépendance extérieure, il est nécessaire d’identifier les denrées les plus importées et de soutenir la recherche variétale permettant leur culture en France, lorsque cela est agronomiquement possible. Chaque culture rapatriée ou adaptée localement représente un pas vers la résilience. De plus, une filière semencière publique forte permettrait de valoriser nos territoires, d’encourager la biodiversité cultivée et de renforcer le lien entre les agriculteurs et les chercheurs.

Enfin, mettre en place une stratégie nationale des semences, fondée sur la reproductibilité et la qualité, c’est aussi renouer avec une vision humaniste de l’agriculture. Cela consiste à faire du vivant un patrimoine commun plutôt qu’un produit verrouillé par des logiques d’exclusivité. C’est protéger les agriculteurs contre la dépendance économique et leur permettre de transmettre leurs savoirs, leurs graines et leur autonomie. C’est également garantir aux citoyens une alimentation saine, riche en goût et respectueuse des équilibres naturels.

En développant des semences publiques reproductibles, en mobilisant le génie génétique pour améliorer la qualité alimentaire, et en relocalisant progressivement certaines productions, la France peut incarner un modèle de souveraineté, de durabilité et d’innovation au service de tous.