La compétence universelle repose sur un grand principe : nul pays ne doit être un refuge pour ceux qui ont commis les crimes les plus graves. Cet engagement ne peut être l’objet d’aménagements politiques au cas par cas.
Si la justice des États ne s’exerce en principe que sur des faits commis sur leur territoire ou touchant l’un de leurs ressortissants, une exception existe. Celle de la compétence dite « universelle » pour les crimes les plus graves: tortures et disparitions forcées, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, génocides.
Depuis 15 ans maintenant, les autorités judiciaires de nombreux pays européens ont usé de cette compétence universelle pour juger des criminels ayant trouvé refuge sur leur territoire, et ce quel que soit le pays où ils ont commis leurs crimes.
Complémentaire d’une saisine de la CPI, qui retrouve parfois impuissante dans ses poursuites, la compétence universelle est un atout supplémentaire dans la lutte pour les droits humains.
Malheureusement, depuis l’intégration de la compétence universelle dans le code pénal en 2010, de nombreuses conditions à son emploi, éminemment politiques, ont été mises en place dans le but de limiter son impact et de verrouiller le maximum de procédures engagées en France.
Discrétion du parquet seul habilité à initier, refus de l’enquête pour un criminel « de passage », refus d’enquêtes déjà notifiées à la CPI, arrêt « Chaban » qui a rendu le régime de Bachar al Assad plus compétent en pleine guerre civile que la compétence universelle des tribunaux français.
Par ailleurs dans l’illisibilité des procédures individuelles, certains verrous n’existent que pour l’instruction de certains crimes. Par exemple, certaines victimes n’ont pu voir le dossier être instruit jusqu’au bout parce qu’ils étaient victimes qualifiées d’un crime de guerre, alors que s’ils avaient été simplement victime de torture, la qualification n’aurait pas fait doublon avec la CPI et aurait été instruite par le parquet français.
Une proposition de loi votée à l’unanimité par le Sénat en 2013 a été bloquée par le gouvernement de l’époque. La principale raison de ce bras de fer revient à une opposition de paradigmes entre justice universelle et diplomatie d’état. Longtemps les politiques de gauche et de droite ont craint que l’application d’une justice internationale sur notre sol menace les relations fragiles avec des gouvernements en guerre ou ostracisés. Pour préserver les échanges de bons procédés en matière de renseignement ou de lutte antiterroriste par exemple.
Avec la guerre en Ukraine, l’enjeu de la compétence universelle se pose à nouveau au coeur de l’Europe. Des milliers d’enquêtes sont déjà en cours, dont des dizaines en France. Faudra t il défendre la justice et les droits humains, ou considérer comme une certaine gauche campiste que la permanence des relations du Quai d’Orsay avec des états étrangers est un totem?
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Le Parti Socialiste doit modifier la loi, et renforcer la compétence universelle, faciliter les procédures des victimes individuelles et augmenter les capacités du pôle du parquet dédié aux crimes internationaux, renforcer les prérogatives de l’OCLCH et le doter d’un organe de mutualisation des données d’enquête avec les autres juridictions en Europe. Permettre à des organisations internationales agréés d’ester aux côtés du parquet.
Damien Lambert