Tourner la page : repenser le lien franco-algérien.

En 2025, l’Algérie est un pays jeune, dynamique et en mutation, dont la jeunesse aspire à des partenariats équitables et à une reconnaissance respectueuse. Pourtant, les relations franco-algériennes restent entravées par des représentations figées et des postures ambiguës. Il est temps de dépasser les mémoires conflictuelles pour bâtir une relation adulte, fondée sur des leviers concrets : coopération universitaire, valorisation patrimoniale, transition économique, sécurité régionale et dialogue

Tourner la page : repenser le lien franco-algérien.

Améliorer les relations entre l’Algérie et la France, c’est bien plus qu’un enjeu diplomatique : c’est une nécessité stratégique, sociale et générationnelle. En 2025, l’Algérie est un pays jeune. Plus de 60 % de sa population a moins de 30 ans, et près de 45 % moins de 25 ans. L’âge médian y est de 28,6 ans. Cette jeunesse, urbaine, instruite et connectée, ne se reconnaît ni dans les récits figés du passé, ni dans les caricatures projetées depuis l’étranger. Elle aspire à des perspectives concrètes, à des partenariats équitables dans les domaines de la culture, de la mobilité, de l’innovation et de la citoyenneté. Elle est prête à dépasser les rancunes, à condition que le respect mutuel soit au rendez-vous.

En France, pourtant, les débats sur l’Algérie restent souvent prisonniers de représentations biaisées. Les diasporas algériennes, précarisées et sous-estimées, sont trop souvent dénigrées à dessin pour justifier une politique d’exclusion nationaliste. Issues de l’histoire coloniale et postcoloniale, elles ont affronté des conditions d’accueil difficiles, des obstacles structurels à l’emploi, au logement, à l’éducation, et des discours discriminatoires persistants. Malgré cela, elles ont contribué de manière décisive à la société française, dans la culture, le sport, la santé, l’économie et la vie associative. Mais cette réalité est utilisée comme un miroir déformant, projetant sur l’Algérie une image homogène, figée, faussement rétrograde. Cette confusion empêche de penser l’Algérie pour ce qu’elle est aujourd’hui : un pays jeune et souverain, en mutation, qui ne se résume ni à ses exilés ni à ses mémoires.

Contrairement à une idée reçue, le gouvernement algérien ne se satisfait pas de l’émigration de ses talents. Le départ massif de médecins, d’ingénieurs, de chercheurs vers l’Europe ou le Canada est vécu comme une perte stratégique. Des programmes de retour, de valorisation des compétences et de coopération scientifique sont mis en place pour inverser cette dynamique. L’Algérie cherche à retenir et à mobiliser ses forces vives, non à les voir partir.

Dans ce contexte, la France a tout intérêt à sortir d’une posture ambiguë. Elle a su, après deux guerres mondiales, construire une réconciliation durable avec l’Allemagne. Rien ne justifie qu’elle reste figée dans une relation bloquée avec l’Algérie. Reconnaître les faits historiques ne signifie pas s’enfermer dans la culpabilité, mais avancer avec lucidité et respect. C’est une condition pour bâtir une relation adulte, équilibrée, tournée vers l’avenir.

Cette relation peut s’appuyer sur des leviers concrets. L’Algérie est le deuxième pays francophone du monde en nombre de locuteurs. Ce socle linguistique commun est un atout pour développer des échanges universitaires, des coproductions artistiques, des réseaux scientifiques. Des dispositifs comme les doubles diplômes, les campus délocalisés, les bourses francophones ou les programmes Erasmus+ Sud permettent déjà de former ensemble les élites de demain. La Méditerranée, notre Mare Nostrum, peut redevenir un espace de dialogue et de création. Les Rencontres méditerranéennes de Marseille ou les Journées du film algérien à Lyon en témoignent. De la Casbah d’Alger aux archives coloniales, en passant par les musiques populaires et les traditions orales, une politique commune de valorisation patrimoniale peut renforcer les liens entre les sociétés civiles.

Sur le plan économique, la France peut accompagner l’Algérie dans sa transition, notamment dans les secteurs de l’agriculture, du numérique, de la santé et de l’éducation. L’Algérie est aussi un fournisseur stratégique de gaz pour l’Europe. Une relation apaisée facilite les investissements, les transferts technologiques et les échanges commerciaux.

Sur le plan géopolitique, une coopération renforcée permettrait de mieux sécuriser le Sahel, de lutter contre les trafics et de gérer les flux migratoires dans le respect des droits humains. L’Algérie et la France, puissances riveraines, peuvent jouer un rôle clé dans la gestion des crises climatiques, énergétiques et migratoires. Dans ce contexte, la reconnaissance par Emmanuel Macron de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, dans le sillage de la décision américaine sous Donald Trump, a fragilisé la position française dans la région. Elle a rompu avec une tradition de neutralité diplomatique sur un conflit non résolu, tout en exposant la France aux revirements fréquents des partenariats stratégiques avec Washington. Sur le plan démocratique, il serait difficile aujourd’hui de soutenir que l’Algérie, malgré ses propres limites, aurait quelque chose à envier à la monarchie marocaine, dont le fonctionnement dynastique et les restrictions politiques sont régulièrement critiqués par les observateurs internationaux.

Enfin, sur la scène internationale, l’Algérie et la France pourraient aborder sereinement leurs positions sur les grands dossiers mondiaux : c

PIERRE DARD